Il y a quarante ans, en septembre 1982, a eu lieu le massacre de Sabra et Chatila.
Pendant 3 jours, des milices dites « chrétiennes » soutenus par l’armée israélienne, ont massacré la population civile du camp1. Le nombre exact de victimes est inconnu, certains estiment le nombre de victimes entre 1500 et 3500.
Trois ans après, de 1985 à 1988, il y a eu ce qu’on appela « la guerre des camps ».
Quarante ans après les massacres, les réfugiés palestiniens de Chatila mènent toujours une vie confinée dans l’ombre.
Sur ce fond de tableau marqué du signe du malheur, et quand bien même, les jeunes palestiniens se sentiraient et se diraient «dépossédés de tout y compris de leurs rêves», plus forte que la mort, pousse la vie, par intermittences, simple, tranquille, obstinée.
Dans l’ombre de Chatila,
…des enfants naissent et grandissent. Ils se scolarisent, comme tous les enfants du monde ils «font leurs devoirs» à la maison et se projettent par là dans le futur. Si leur horizon est plombé par les ruines, leur vie n’en parait pas ruinée pour autant. La meilleure garantie de l’espoir.
…des jeunes recherchent du travail, se forment, s’organisent, font des «petits boulots» malgré leur carte de Réfugiés pour toute pièce d’identité qui leur interdit d’exercer plus de soixante-dix métiers au Liban et qui rend les voyages quasi impossibles.
…des couples s’aiment, font des enfants qu’ils aiment, éduquent et scolarisent.
…les plus anciens méditent toute leur histoire et comparent les jours actuels à ceux d’avant leur déportation2.
Le travail présenté ici, fruit d’une quinzaine d’années de travail, a comme intention d’être un témoignage d’une vie de réfugiés palestiniens à l’ombre d’une « civilisation », celle-là même qui les a oublié depuis des décennies.
J’ai voulu donner des noms et des visages à une population qui se dilue trop souvent, anonymement, dans des statistiques stériles.
Plus d’images ici.
Tarek Charara
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1 La littérature autour du sujet est vaste et extensive. J’ai fait de mon mieux pour faire une synthèse de l’histoire des réfugiés palestiniens jusqu’aux aux massacres et la guerre des camps dans mon ouvrage « à l’ombre de Chatila », disponible sur ce site.
2 Texte de Joseph Canal
Texte et images © Tarek Charara/Kaleidos images.
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Hafez Abdul Karim dit “Abou Hicham”
Chatila, camp de l’UNRWA. Hafez Ali Osman, aussi connu sous le nom « Abou Hicham » (père de Hicham), est né en 1929 à Acre, en Palestine. Il a travaillé pour l’armée anglaise à partir de 1945, d’abord comme aide de camp, puis comme mécanicien dans la Marine. A partir de 1947 il participe au mouvement de la Résistance palestinienne jusqu’en 1948, année de sa déportation. Abou Hicham est décédé en 2008 à l’âge de 79 ans ayant passé la plus grande partie de sa vie à Chatila. (Acre = Akko en Hébreu et Akka en Arabe)
Les enfants de Chatila manifestent pour la paix.
Beyrouth, Liban. Centre de l’UNESCO. Les enfants de Chatila, la keffieh palestinienne, manifestent parmi d’autres gens contre la guerre qui se prépare contre l’Irak. L’un des garçons porte le portrait du président Arafat.
Youssef Majzoub et sa petite fille Roseanne
Ghobeiri, Liban. Camp de réfugiés Palestiniens Chatila. Youssef Majzoub et sa petite fille Roseanne. Youssef est né en Palestine et Roseanne au camp de Chatila.
Le jardin d’enfants
Chatila, camp de l’UNRWA. Beit Atfal Assoumoud. Le jardin d’enfants, deux petites filles s’amusent avec leur maîtresse, Mme Maryam Shamieh. Beit Atfal Assoumoud est une ONG humanitaire et non-sectaire créée en 1976 après le massacre de Tal al Zaatar. Elle a pour vocation de fournir des services aux réfugiés Palestiniens au Liban et autres personnes désavantagés vivant dans ou près des camps.
Le dispensaire du PRCS
Chatila, camp de l’UNRWA. Le dispensaire du PRCS (Palestinian Red Crescent Society – le croissant rouge palestinien) de Chatila traite tous les patients de jour indifféremment de leurs nationalités. Ici le patient est traité pour des sommes symboliques de un à deux dollars américains – les vaccinations sont gratuites. Les cas plus graves sont envoyés aux hôpitaux du PRCS aux alentours, surtout à celui du camp « Bourj al-Barajneh ». La prise de sang.
Nettoyage du camp
Chatila, camp de l’UNRWA. Nettoyage du camp effectué par un service de l’UNRWA. Toutes les grandes artères du camp sont nettoyées quotidiennement, tandis que les ruelles plus petites ne le sont que tous les deux jours.
Le jardin d’enfants
Chatila, camp de l’UNRWA. Beit Atfal Assoumoud. Le jardin d’enfants. Beit Atfal Assoumoud est une ONG humanitaire et non-sectaire créée en 1976 après le massacre de Tal al Zaatar. Elle a pour vocation de fournir des services aux réfugiés Palestiniens au Liban et autres personnes désavantagés vivant dans ou près des camps.
Chatila, les enfants dans les ruelles.
Chatila, camp de l’UNRWA. Garçons dans les ruelles du camp. Combien de doigts jusqu’au signe de la victoire ? Shatila, UNRWA camp. Boys in the alleys of the camp. How many fingers to victory?
Kheir Mohsen.
Chatila, camp de l’UNRWA. Kheir Mohsen est né en 1951 à Chatila. Il perd la vue suite à un «passage à tabac» de l’armée libanaise lors d’une manifestation en 1973. Il vit avec sa femme et 5 enfants dans deux pièces à l’intérieur du camp. Il n’y a ni chauffage, ni climatisation. En 1985, pendant la guerre des camps, son épouse reçoit une balle de franc-tireur, en aidant un infirmier de la Croix-Rouge à sauver un blessé. Elle perd sa jambe suite à ses blessures. Kheir Mohsen et sa famille vivent avec moins de 200 dollars américains par mois.
Mohammed Shawqat Abou Roudaina
Chatila, camp de l’UNRWA. Mohammed Shawqat Abou Roudaina, à l’âge de 28 ans. Il a été témoin, à l’âge de cinq ans, du massacre de son père, de sa sœur enceinte, son beau-frère, ainsi que trois autres membres de sa famille. Il a fallu 22 ans à Mohammed pour dépasser ses traumatismes et reprendre un peu goût à la vie et de décider de passer son baccalauréat et de faire des études. Ici on voit Mohammed devant sa maison.
Samiha Abbas Hijazi, dit “Oumm Ali”
Chatila, camp des réfugiés. Samiha Abbas Hijazi, dit « Oumm Ali », une libanaise originaire du sud et mariée à un palestinien, a perdu son mari pendant les massacres de «Tal-el-Zaatar» en 1976. En 1982, lors des massacres de Sabra et Chatila, elle perd sa fille Zeinab, 17 ans et jeune mariée et son gendre. Son fils Ali, 10 ans, sera tué lors de la guerre de camps quelques années plus tard (1985-1987). La douleur et les larmes surgissent chaque fois qu’elle évoque ses souvenirs, même 30 ans après. Ce sont Ali et Zeinab sur ces photos. Aujourd’hui « Oumm Ali » vit vit dans une pièce située à quelques dizaines de mètres du camp de l’UNRWA. Il n’y a ni toilettes, ni cuisine. Elle travaille comme femme de ménage dans une maternelle, dans laquelle elle tient aussi un petit commerce de sucreries pour les enfants. Ses deux activités lui rapportent 140 dollars par mois. Son loyer est de 65 dollars par mois.
Le dentiste.
Chatila, camp de l’UNRWA. Beit Atfal Assoumoud. Beit Atfal Assoumoud est une ONG humanitaire et non-sectaire créée en 1976 après le massacre de Tal al Zaatar. Elle a pour vocation de fournir des services aux réfugiés Palestiniens au Liban et autres personnes désavantagés vivant dans ou près des camps. Le centre de Chatila a un jardin d’enfants et un dispensaire. Le Dr. Ahmad Abou Rayya, Dentiste du centre, soigne Tarek, un élève du jardin d’enfants.